22 octobre 2008

Jour de souffrance




Catherine Millet nous emmène une fois de plus au plus profond de l'introspection.

Après "La vie sexuelle de Catherine M." où sans pudeur l'auteure se raconte au travers de ses diverses expériences sexuelles, Catherine Millet nous décrit ici les quelques années pendant lesquelles la jalousie pris le pli et le pas sur l'ensemble de sa vie.
Plus que l'histoire de cette crise - qui reste intéressante en soi - ce qui fascine ici comme pour son premier opus, c'est l'apparente facilité avec laquelle elle se dévoile, elle s'analyse, elle analyse, elle comprend ce qu'elle observe, et combien ses jugements, analyses et conclusions sont justes, bien sentis et sans appel.
Ce qu'elle arrive à dire avec des mots est bluffant tant on à l'impression de lire du simple alors que les mots utilisés et les idées proposées sont compliqués complexes et surtout bien plus puissants qu'il n'y parait.

Il faut du temps pour se plonger dans ce livre, il faut des pages pour arriver à quitter le premier tant il est explosif, il faut de la patience pour, au final, se rendre compte que Catherine Millet, en parlant de sa souffrance vécue "à fond" comme a priori tout ce qu'elle fait et entreprend, nous décrit aussi nous, avec nos propres souffrances, nos propres questionnements et nos propres errements. Elle nous apporte ici une preuve que le fait de vivre pleinement ce que l'on vit permet de le mieux comprendre, et donc d'aller plus loin encore...

Lecture recommandée donc, mais attention ! ce livre nous fait nous poser quelques questions...
et je reprendrai pour exprimer ce que je pense de Catherine Millet, ce qu'elle pense elle des personnages de théâtre ou de cinéma, à savoir qu' "au théâtre ou au cinéma nous déléguons à des caractères pris dans les intrigues qui ne sont pas les nôtres le soin de ressentir et d'agir comme nous n'osons pas nous le permettre dans la vie".

Si choisir des extraits est difficile avec ce genre de livre mono-maniaque, voici toutefois quelques passages qui m'ont bien plu :

(a propos du fait que les émotions fortes peuvent entraîner des réactions primaires comme par exemple l'envie de déféquer... ) :
Faut-il avoir honte de notre corps qui ignore la hiérarchie des émotions établie par notre être pensant, et qui les broie toutes indistinctement ? Faut-il au contraire se féliciter que, dédaignant les valeurs morales, sentimentales et même intellectuelles qui ont fini par s'imposer à ces émotions, notre corps nous rappelle à la sagesse, c'est à dire à la juste dimension de notre nature qui entraînera dans sa corruption toutes ces valeurs ?
Ce n'est pas pour rien qu'un lieu commun est dit commun. Lorsque nous y avons recours, ce n'est pas seulement que, dans l'instant, nous manque la lucidité ou l'intelligence, ou encore la culture qui nous permettrait d'employer un vocabulaire plus fin et mieux adapté, c'est aussi que nous avons besoin de rejoindre une communauté. Dans l'effarement face au malheur, mais aussi dans la jouissance d'un grand bonheur, l'être humain n'est pas fait pour supporter la solitude à laquelle le conduisent les sentiments extrêmes, et il cherche à les partager, ce qui revient à les relativiser, c'est à dire à les amoindrir.
On "entre" dans un livre, qui est bien un objet en trois dimensions, mais pour y rencontrer la quatrième dimension du temps dès qu'on tourne les pages. Satisfaction d'en tenir rapidement dans la main gauche une partie plus épaisse, plus sombre de l'accumulation de toutes les lettres imprimées, obscurité de l'espace déjà parcouru qui est le passé vers lequel on se retourne. Je suis impatiente de ressentir physiquement la densité de ce temps accompli, celui du récit avec lequel se confond le temps de ma lecture, qui est un segment de mon temps de vie, temps consacré à la mise en place d'un espace qui parfois transfigure mon environnement réel, et qui me fera bientôt regretter ma précipitation parce que j'aurai un mal fou à le quitter.
La pensée est un placard qu'il faut de temps en temps, au sens propre, aérer.
On dit que le futur se rétrécit lorsqu'on commence à ne plus croire qu'il soit éternel
(et pour finir, citant le Robert) :
Jour de souffrance : Baie qu'on peut ouvrir sur la propriété d'un voisin à condition de la garnir d'un châssis dormant"
Lu dans "Jour de souffrance", de Catherine Millet, chez Flammarion


22 octobre ========================================
1721 : Pierre Ier le Grand prend le titre de Tsar de toutes les Russies
1797 : André-Jacques Garnerin réalise le premier saut humain en parachute à partir d'une montgolfière
(spéciale dédicace pour Arnaud L.)
1895 : La locomotive d'un train Granville-Paris ne s'arrête pas et traverse la façade de la gare Montparnasse
1988 : Incendie criminel dans un cinéma parisien où était à l'affiche le film "La dernière tentation du Christ", de Martin Scorsese
================================================

ON partage sur :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious MySpace Google LinkedIN

Blogger

Aucun commentaire: