14 mai 2008

Quand notre monde est devenu chrétien (312 - 394)



Ce livre de Paul Veyne, souvent difficile à lire (pour moi) car plein de références culturelles et historiques ardues (pour moi) n'en est pas moi un excellent moyen de comprendre l'avènement du christianisme dans le monde qui "sans Constantin (...) serait resté une secte d'avant-garde", pas plus.

C'est effectivement la volonté d'un seul homme (mais quel homme !) qui fit de cette petite religion méconnue du plus grand nombre - 10 % de chrétiens, le reste de païen - la grande puissance d'aujourd'hui ; C'est en en faisant sa propre religion (une presque religion d'état) que l'empereur romain lui donnera un coup de pouce décisif. En 312, à la suite d'un rêve ("tu vaincras sous ce signe") et à la veille d'une bataille décisive, Constantin se convertit au christianisme.

Pourtant, nous dit Veyne : "Rien de plus différent que le rapport des païens avec leur divinité et celui des chrétiens avec leur Dieu : un païen était content de ses dieux s'il avait obtenu leur secours par ses prières et ses voeux, tandis qu'un chrétien faisait plutôt en sorte que son Dieu fût content de lui. Constantin ne cessera de répéter qu'il n'est que le serviteur du Christ qui l'a pris à son service et qui lui procure toujours la victoire."

Tout le livre est là pour expliquer les trois raisons qui ont donné au christianisme la possibilité de s'imposer :
- La conversion sincère d'un empereur romain qui veut christianiser le monde pour le sauver ;
- Le besoin, pour ce grand empereur, d'une grande religion. Or, face aux dieux païens, le christianisme était la religion d'avant-garde ;
- Constantin s'est borné à aider les chrétiens à mettre en place leur Église, sans interdire les autres, et sans faire de martyrs.

Paul Veyne nous livre aussi d'autres pensées, remarques et commentaires sur le monothéisme, l'idéologie religieuse, l'existence ou non des fameuses "racines chrétiennes européennes" si chère au petit Nicolas, etc. Ainsi, voici l'explication de l'auteur du recul actuel de la pratique religieuse :
La notion solennelle de religion recouvre en réalité une multitude hétérogène d'éléments différents. Dans n'importe quelle religion, on peut trouver des dieux, des rites, des fêtes, le sentiment du divin, des solennisations (rites de passage, mariage à l'église), de la morale, des interdits alimentaires, une bonne espérance pour les prochaines récoltes, la prédiction de l'avenir, la guérison des maladies, l'espoir ou la crainte d'une justice immanente, de l'ascétisme, l'expérience extatique, la transe, un ethos ou style de vie, le désir de donner au monde un sens conforme à nos souhaits, la pensée de l'au-delà, des utopies, la légitimation politique, l'identité nationale, le sentiment de la nature, etc.
Or, la "démagification" du monde a mis fin à certains de ces éléments (les oracles), les a remplacés par de la technique (la médecine), les a rendus autonomes (légitimation politique, utopies sociales) ; ce qui subsiste le plus est le plus médiocre : la solennisation et les rites de passage. La "religion" a éclaté et a maigri (on voit même apparaître des spiritualités sans dieux). Elle tend à se spécialiser, à se réduire à ce qu'elle a de spécifique, là où elle est irremplaçable : la religion nouvelle n'est plus que religieuse. D'où la diminution actuelle de la pratique religieuse et de la croyance coutumière, car c'étaient en partie les éléments extra-religieux qui attachaient une population à sa religion.
Et ici une petite leçon aux pourfendeurs des racines chrétiennes :
Oui, le christianisme a pris à son service les architectes, peintres, sculpteurs ; oui, il a servi de texte à la philosophie médiévale, à cette "scolastique" longtemps calomniée qui égale les philosophies grecque et allemande ; sa spiritualité et sa morale intériorisée ont enrichi notre vie intérieure. Oui, nous étions chrétiens en ce temps-là, mais maintenant ? Quel rapport avons-nous encore avec saint Bernard de Clervaux, avec l'amour divin, la pénitence, la vie contemplative, la mystique, la Révélation menacée par la philosophie, la primauté du spirituel imposée aux rois, la prédication de la Deuxième Croisade ?
Notre Europe actuelle est démocrate, laïque, partisane de la liberté religieuse, des droits de l'homme, de la liberté de penser, de la liberté sexuelle, du féminisme et du socialisme ou de la réduction des inégalités. Toutes choses qui sont étrangères et parfois opposées au catholicisme d'hier et d'aujourd'hui. La morale chrétienne, elle, prêchait l'ascétisme, qui nous est sorti de l'esprit, l'amour du prochain (vaste programme, resté vague) et nous enseignait à ne pas tuer ni voler, mais tout le monde le savait déjà. Tranchons le mot : l'apport du christianisme à l'Europe actuelle, qui compte toujours une forte proportion de chrétiens, se réduit presque à la présence de ceux-ci parmi nous. S'il fallait absolument nous trouver des pères spirituels, notre modernité pourrait nommer Kant ou Spinoza ; quand celui-ci écrit dans l'Ethique que "porter secours à ceux qui en ont besoin dépasse largement les forces et l'intérêt des particuliers ; le soin des pauvres s'impose donc à la société tout entière et concerne l'intérêt commun", il est plus proche de nous que l'Evangile.
Autre passage ou l'auteur, prenant comme exemple la pilule contraceptive, explique qu'une idéologie ne convainc que les convaincus :
Nous avons vu cela de nos yeux, si nous sommes quinquagénaires ou davantage : la découverte de la contraception a donné lieu à une comique expérimentation sociologique en conditions réelles. Avant la pilule, les jeunes filles respiraient dans l'air du temps et dans l'exemple de leurs compagnes les utiles vertus de pureté, de chasteté, de virginité, d'abstention sexuelle. Et quel esprit avancé n'aurait alors stigmatisé le vertuisme répressif de la société capitaliste ? Il a suffit que la pilule apparaisse pour que ces vertus disparaissent comme rosée au soleil : évaporées avec le péril, tant dans les duplex que dans les chaumières. Leur effacement nous a paru si naturel que nous nous en sommes à peine aperçus, sans remarquer à cette occasion que ce n'était pas le vertuisme qui avait inculqué l'abstention, mais l'abstention qui, faute de contraception, s'était érigée en vertu.
ON apprend aussi d'autres choses diverses à la lecture de ces pages :

"Quand Marx dit que la religion est l'opium du peuple, il ne veut pas dire que c'est une idéologie qui trompe le prolétariat "opprimé" ; mais que c'est la consolation la moins coûteuse, la plus populaire, que puisse avoir "la créature oppressée."

C'est en 312 que Constantin instituera le repos dominical.

A lire donc, à tête reposée...

Quand notre monde est devenu chrétien (312 - 394), de Paul Veyne, chez Albin Michel

14 mai ==========================================
1610 : Assassinat d'Henri IV par Ravaillac
1796 : Edward Jenner pratique la première vaccination à un jeune garçon de 8 ans, en lui inoculant une goutte de vaccine, « la variole de la vache »
1948 : Déclaration d'indépendance de l'État d'Israël
1955 : Huit pays communistes - y compris l'Union Soviétique signent le Pacte de Varsovie
1968 : La Sorbonne est proclamée commune libre et Nanterre faculté autonome
1990 : En France, plus de 250 000 personnes manifestent dans les rues de Paris contre l'antisémitisme et le racisme (opération Touche pas à mon pote)
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Il y a un an, ON apprenait :==============================
à réchauffer son café
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