10 mars 2008

Le rapport de Brodeck


Encore une fois, le Goncourt des Lycéens ne s'est pas trompé !
En couronnant en 2007 Philippe Claudel pour "Le rapport de Brodeck", ce prix propose aux lecteurs un superbe livre. Cela faisait longtemps que je n'avais pas pris un tel plaisir !
Merci Philippe, merci les Lycéens et merci Brodeck !!
(Ah ! la confession du Curé Peiper...)

Plutôt que de me lancer une nouvelle fois dans un tentative de critique trop difficile pour moi, je vous recopie quasi in extenso celle de Françoise Cassin-G , trouvée sur le site lecourant.info :

"Philippe Claudel a choisi comme cadre l’après-deuxième guerre mondiale dans un petit village de montagne sans nom dans lequel un homme étrange, « l’Anderer » (l’autre), arrivé depuis quelques mois, a été victime d’un assassinat collectif . Le dénommé Brodeck, le seul habitant du village à savoir écrire, est chargé de faire un rapport. « Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien…Moi, je n’ai rien fait » : tels sont les premiers mots de ce roman placé d’emblée sous le signe de la culpabilité.

Brodeck serait-il le seul innocent ? Peu à peu, son enquête progresse, il interroge, décrit...et raconte sa propre vie, par petites touches, dans le désordre : les pogroms et les atrocités du camp auquel il a survécu en devenant « le chien Brodeck », sa rencontre avec Emelia qui l’a suivi au village, sa fille au nom étrange, Poupchette, son métier qui consiste à établir des notices sur la flore, les arbres, ou les renards qui meurent mystérieusement…Mais lorsque le rapport est achevé, Brodeck est suivi, épié, menacé : il comprend alors que la mémoire qu’il conserve des faits, de tous les faits, le désigne lui aussi comme victime : « De tous les dangers, celui de la mémoire est un des plus terribles » lui dit le maire Orschwir. Comme l’Anderer, l’artiste qui avait montré à chacun son vrai visage, lui, l’écrivain, figure la conscience, empêche l’oubli qui permet de revivre, renvoie les coupables à leurs fautes. Lui aussi doit être éliminé.

Terriblement sombre, mais plein d’espoir, le dernier roman de Claudel ravira tous ceux qui ont apprécié l’écriture limpide et imagée, d’une beauté et d’une efficacité stupéfiantes, de ses précédents romans. Si elle met en évidence les mécanismes terribles de la lâcheté, de la domination, du remords et du rapport de l’humanité à Dieu, cette fable humaniste nous montre aussi que « ce qui importe, c’est de vivre », et que seul l’Amour donne cette force à Brodeck."

Morceaux choisis (par moi cette fois !) :
Ce que je voudrais, c'est comprendre, m'avait-il avoué un jour. On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses, avait-il poursuivi. Les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. Je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent, éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leur dit de le faire, et puis mourir sans trop savoir ce qui les attends après, mais en espérant tout de même que quelque chose les attend. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions, et les chemins qui mènent à leurs réponses. Parfois d'ailleurs, je finis par ne connaître que les chemins, mais ce n'est pas si grave : j'ai déjà avancé.

Ils pourraient manger leurs propres frères, leur propre chair, ça ne les dérangerait pas, ils ne font pas la différence. Ils broient, ils avalent, ils chient, ils recommencent indéfiniment. Ils ne sont jamais rassasiés. Et tout leur est bon. Car ils mangent de tout, Brodeck, sans jamais se poser de questions (...). Et ils ne pensent pas Brodeck, eux. Ils ne connaissent pas le remords. Ils vivent. Le passé leur est inconnu. Ne crois-tu pas que ce sont eux qui ont raison ?
ces enfants de couilles sales sortis des ventres pourris de leurs vieilles putains de mères
J'ai compris soudain qu'être innocent au milieu des coupables, c'était en somme la même chose que d'être coupable au milieu des innocents

J'avais alors songé que Dieu, s'il existe encore, était un bien curieux personnage, qui choisit de laisser vivre en toute quiétude des arbres durant des siècles mais qui rend la vie des hommes si brève et si dure
L'homme est ainsi fait qu'il préfère se croire un pur esprit, un faiseur d'idées, de songes, de rêves et de merveilles. Il ,'aime pas qu'on lui rappelle qu'il est aussi un être de matières, et que ce qui s'écoule entre ses fesses le constitue autant que ce qui s'agite et germe dans son cerveau
et j'ai songé aux oiseaux, aux oiseaux si petits et perdus, les passereaux faibles, malades ou désolés qui ne peuvent suivre leurs semblables dans les grandes migrations, et qui attendent avec résignation, vers la fin de l'automne, sur le rebord des toits, les branches basses des arbres, les plumes défaites et le cœur affolé, le froid qui les fera mourir
(extrait de la "confession" du curé Peiper :)
Pourquoi à ton avis tolèrent-ils mes sermons incohérents, mes messes trouées d'imprécations et de délires d'ivrognes ? Pourquoi y viennent-ils tous ? Pourquoi aucun n'a jamais demandé à l'évêque ma révocation ? Parce qu'ils ont peur, Brodeck, tout simplement, parce qu'ils ont peur de moi et de ce que je sais d'eux. C'est la peur qui gouverne le monde. Elle tient les hommes par leurs petites couilles? Elle les serre dans sa main, de temps à autre, pour leur rappeler qu'elle peut les anéantir si elle veut. Je vois leurs visages dans mon église, tandis que je suis en chaire. Je les vois sous leur fausse placidité. Je sens leur aigre sueur. Je la sens. Ce n'est pas de l'eau bénite qui suinte de la raie de leurs culs, tu peux me croire ! Ils doivent se maudire de m'avoir tout dit...

N'oublie pas que c'est l'ignorance qui triomphe toujours, Brodeck, pas le savoir


Créé en 1988, le Prix Goncourt des Lycéens m'a apporté plusieurs excellentes lectures :
* 2001 : Shan Sa, pour La Joueuse de go
* 2002 : Laurent Gaudé, pour La Mort du roi Tsongor
* 2003 : Yann Apperry, pour Farrago
* 2007 : Philippe Claudel, pour Le Rapport de Brodeck

Pour plus d'info : le blog de Philippe Claudel

10 mars ==========================================
1535 : Découverte des Îles Galapagos par Thomas de Berlanga, évêque de Panama
1785 : Thomas Jefferson succède à Benjamin Franklin comme ambassadeur des États-Unis en France
1831 : Le roi Louis-Philippe créé la Légion étrangère
1899 : Un décret français règlemente la circulation des automobiles : la vitesse est limitée à 30 km/h en rase campagne et à 20 km/h en agglomération
1911 : L'heure du méridien de Greenwich est adoptée dans tous les pays d'Europe
1933 : Les nazis ouvrent à Dachau le premier camp de concentration
1944 : Découverte d'un charnier au domicile parisien du Dr Marcel Petiot: 27 cadavres pourront être identifiés; il sera guillotiné le 25 mai 1946
1959 : Au Tibet, soulèvement populaire contre l'occupant chinois, réprimé dans un bain de sang (87000 morts)
1974 : Un ancien officier japonais se rend après s'être caché dans la jungle philipiine pendant 30 ans. Il ne savait pas encore que la guerre était finie.
1978 : Premier vol du Mirage 2000
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